À partir de 2009, j’ai commencé un nouveau chantier de composition basé sur des critères de recherche et d’élaboration à consonance "écologique". Entre 2009 et 2015 sont nés, en plus des pièces appartenant à d’autres filières d’inspiration, les trois cahiers formant le cycle pour piano Prés, le cycle pour voix et trio à cordes Aster Lieder, les trois duos pour violon et alto Masques et Berg, et les trois compositions Prato prima presente, Nube obbediente et Gramigna que le Divertimento Ensemble a décidé de réunir ici dans une sorte de triptyque idéal. Ces trois œuvres ont d’importants liens, aussi bien explicites que souterrains, avec les pièces de chambre mentionnées précédemment. Toutes trois explorent des thèmes liés à l’environnement : réchauffement climatique, consommation des sols, perte de diversité biologique, utilisation durable des ressources, recyclage des déchets, production et conversion de l’énergie, phénomènes migratoires, cohabitation entre différents groupes sociaux, préservation et adaptation des identités culturelles, urbanisme fonctionnel à échelle humaine. Ma façon de les décliner en musique se joue dans les techniques de construction : forme discontinue, assemblage, superposition, polytemporalité, polystylisme, masquage et transparence, émergence et mise en abîme, diversité et homogénéité, perception polyphonique et homophonique, chaîne et trame, citation et auto-citation, intégration et aliénation…
Prato prima presente (Le pré d’avant) pour ensemble parle d’histoire et de mémoire – du fait que, même lorsque la page sur laquelle s’inscrit un geste artistique paraît blanche, même lorsqu’on construit sur une verte prairie homogène, il y a un arrière-plan invisible, un déjà-là, un passé qui les imprègne et les environne – et de la manière « respectueuse » dont ce geste artistique doit faire preuve quand il laisse ses signes dans cet espace qui ne peut jamais être considéré comme neutre ou vierge.
Nube obbediente (Nuage obéissant) pour trombone, percussion et ensemble parle de la prétention humaine, non pas de prévoir la météo pour y adapter son comportement, mais de vouloir la « déterminer » et l’« adapter » au grès de ses loisirs et afin d’exploiter de manière illimitée les ressources de la planète.
Gramigna (Chiendent / mauvaise herbe) pour cymbalum et ensemble parle de l’importance de ce qui est normalement négligé ou négligeable (en un mot : « pauvre ») et de la possibilité de construire la richesse à partir de ce qui est considéré comme un déchet, une marge, un refus et non une ressource, ou de ce avec quoi nous avons habituellement une relation de pure exploitation. Cela grâce à un renversement de perspective qui mette à nouveau au premier plan le respect, la compréhension de ce qui n’est pas connu, l’écoute de ce qui est éloigné de nous, la valorisation de la singularité, de ce qui nous distingue au-delà de ce qui nous unit.
Stefano Gervasoni, Bergame, 2020
« Composer, c’est créer un environnement » : l’empreinte écologique dans l’œuvre de Stefano Gervasoni
Les notes de programme rédigées avec le plus grand soin par les compositeurs et compositrices à l’attention de leur public retracent le plus souvent les origines des œuvres ainsi que les sources d’inspiration et les intentions musicales ayant guidé leur processus de création ; s’ensuit alors très souvent un court synopsis visant à résumer le contenu des œuvres. Cet exercice n’est pas des plus aisés : comment décrire en quelques phrases une pièce musicale sans la survoler ni, au contraire, tomber dans des considérations trop techniques ? De par leur brièveté et leur dimension tantôt poétique ou philosophique, tantôt analytique, il arrive que ces notes d’intention laissent le lecteur quelque peu songeur, tant il lui est difficile de mettre en perspective ces informations textuelles avec l’expérience de l’écoute. Les trois œuvres de Stefano Gervasoni réunies sur ce disque comportent ainsi, selon les dires du compositeur, « d’importants liens explicites et souterrains » avec d’autres de ses pièces et explorent toutes « des thèmes liés à l’environnement ». Comment de telles idées prennent-elles forme concrètement dans un contexte musical ?
Les préoccupations écologiques transparaissent clairement à travers les titres des œuvres (Prairie d’avant, Mauvaise herbe / Chiendent, Nuage obéissant). Le compositeur cherche-t-il juste à s’inscrire dans l’air du temps, en surfant sur des problématiques auxquelles il devient dorénavant difficile d’être indifférent face à l’amoncellement des déchets que produisent les humains, la destruction des ressources naturelles ou bien les changements climatiques et ses conséquences directes sur les écosystèmes et les flux migratoires ? Ou bien intègre-t-il pleinement ces préoccupations au point de changer sa manière de composer ? Ces questionnements furent au cœur d’un long entretien que Stefano Gervasoni nous a accordé dans les locaux de l’Ircam à Paris, en mars 2020, quelques jours avant que de nombreux pays ne décident de confiner leur population en raison d’une pandémie qui, si elle a malheureusement emporté de nombreuses vies humaines, aura eu le mérite d’offrir un court et éphémère répit à notre planète en surchauffe.
Bien que très différentes les unes des autres, Prato prima presente (2009) pour ensemble, Gramigna (2009-2015) pour cymbalum et ensemble et Nube obbediente (2011) pour trombone, percussion et ensemble présentent en effet de nombreux liens de parenté. Outre les titres qui se réfèrent tous à la nature, ces trois œuvres font appel à un effectif instrumental plutôt réduit mais offrant une vaste palette de timbres ; elles développent par ailleurs une approche semi-concertante, les solistes n’étant pas exhibés en tant que tels et, les instrumentistes de l’ensemble étant considérés comme des individualités. Le réseau souterrain réunissant ces trois œuvres est né de l’idée qu’une partition peut être considérée comme un « environnement » peuplé de différents « objets sonores » qui se superposent et se juxtaposent ; ces objets sont alors « testés » par le compositeur dans de nouveaux environnements auxquels ils n’étaient pas destinés à l’origine. Repartir d’éléments existants pour bâtir de nouvelles œuvres est une approche compositionnelle que Gervasoni développa progressivement à partir d’Epicadenza (2004) pour percussion, double trio et cymbalum et qu’il commença à abandonner, tout aussi progressivement, à partir de 2013. Durant cette période le compositeur, soucieux d’exercer un « recyclage vertueux », fera preuve d’une incroyable imagination pour tisser des liens plus ou moins perceptibles entre ses œuvres. Dans sa note d’intention, il mentionne que les trois pièces de ce disque sont liées au cycle Aster Lieder (2005-2011) pour voix et trio à cordes, au cycle pour piano Prés (2008-2015), à ses duos pour violon et alto Masques et Berg (2009), mais il est aussi question de bien d’autres œuvres. À défaut de décrire dans les moindres détails la totalité des interconnections et leur nature, nous souhaitons remettre en perspective cette pensée rhizomique avec les préoccupations environnementalistes et sociétales qui habitent le compositeur.
Partant donc de l’idée qu’une partition est un environnement peuplé d’objets sonores, Gervasoni s’inspire de certains phénomènes sociétaux, tels que les flux migratoires, pour mettre à l’épreuve ses partitions. « Le test, explique-t-il, c’est de voir si l’environnement sonore qui est issu d’un tas d’objets spécifiques peut accueillir d’autres objets ». L’écriture permet d’altérer les objets pour qu’ils puissent s’adapter à des nouvelles conditions de vie. La migration des matériaux sonores d’un environnement à un autre renvoie naturellement à des questions de cohabitation. Une fois coupé de ses racines, comment un matériau sonore peut-il pleinement s’intégrer dans une nouvelle œuvre ? « Un objet qui est né dans tel environnement ne va peut-être pas bien cohabiter avec les objets du nouvel environnement. On peut montrer qu’ils vont bien ensemble mais on peut aussi montrer qu’il y a parfois des crispations : un objet peut en masquer un autre par exemple ou bien, joués ensemble, deux objets peuvent produire quelque chose de strident. ». L’écriture permet en effet au compositeur d’exprimer ces différentes formes de cohabitation et d’affirmer plus ou moins l’identité des matériaux, en préservant leur singularité ou, au contraire, en les fusionnant dans le nouvel environnement. Rejetant le principe de zapping sonore, Gervasoni parvient alors à mêler des matériaux souvent disparates au sein d’une structure narrative soignée et cohérente, l’amenant à déployer des formes musicales qui au même titre que l’urbanisme, doivent alors répondre à des critères esthétiques et fonctionnels.
Ces préoccupations d’ordre sociétal, intrinsèquement liées à des problématiques environnementalistes et écologiques, ont incité le compositeur à travailler à partir de matériaux de récupération. Il repart ainsi de parties d’œuvres antérieures qui le hantent, « des objets étranges qui reviennent sans cesse à l’esprit, qui sont des petites obsessions sonores » dont il n’arrive pas à saisir le mystère. Mais il déterre aussi des déchets compositionnels auxquels il décide de donner une seconde chance. Des fragments d’esquisses qu’il considérait de mauvaise qualité sont alors repris « dans quelque chose d’utile à la vie organique d’une nouvelle pièce ». Le recyclage et l’utilisation durable des ressources ne sont donc pas chez Gervasoni de simples allusions à des problématiques écologiques mais bien des pratiques compositionnelles dont il explore le potentiel ainsi que les limites.
En 2005 et 2006, Gervasoni adapte Im Herbst et Im Winter de son cycle Aster lieder pour soprano et trio à cordes pour les intégrer à son second quatuor à cordes Six lettres à l’obscurité (und zwei Nachrichten) (2005-2006). Dans Prato Prima Presente (2009), cette pratique atteint son paroxysme, puisque cette œuvre est totalement écrite à partir d’œuvres antérieures. Le titre que l’on peut traduire par Le pré d’avant, se réfère aux prairies sauvages. Le compositeur repart des trois premiers préludes pour piano qu’il a composés l’année précédente et qui amorcent la construction du cycle Prés. Au début de Prato Prima Presente, la partie de piano reprend à l’identique Pré ludique transposé un ton plus haut et enrichi par l’ensemble instrumental. Mais avant même que l’énonciation de ce premier prélude ne soit achevée, un nouvel élément vient se superposer : le premier mouvement de Masques et Berg pour violon et alto, les deux instruments étant épaulés, dans ce nouvel environnement, par le hautbois qui colore chaque pizzicato. Ce mouvement de Masques et Berg est présenté dans un tout autre contexte : le violoncelle maintient une pédale alors que la clarinette et la flûte entonnent un rythme lancinant et hypnotique, le tout ponctué par les grincements fantomatiques du Waldteufel, un instrument de percussion (littéralement « diable des bois ») que Gervasoni affectionne tout particulièrement. Pré ludique achevé, Masques et Berg se poursuit le temps de quelques mesures. Puis c’est au tour de Pré lubrique, transposé aussi un ton plus haut, de faire son apparition avant d’être rejoint un peu plus tard par le second mouvement de Masques et Berg qui se superpose à lui, puis l’interrompt au sens propre du terme, avant que les deux pièces ne soient à nouveau réunies. Pré lubrique ayant été revisité, le second mouvement de Masques et Berg poursuit son chemin contaminant peu à peu tous les autres instruments. Gervasoni remplace les séquences « sospeso » de la partition originelle par des plages statiques desquelles se dégage le son cristallin du crotale. Il interrompt à plusieurs reprises le déroulement temporel de cette pièce en insérant des « fenêtres sonores », laissant entrevoir subrepticement une nouvelle lumière, celle de son second quatuor à cordes. Arrivé au bout de sa relecture du second mouvement de Masques et Berg, le compositeur revient tout naturellement à ce quatuor à cordes en répartissant les quatre voix au violon, à l’alto, au violoncelle et au reste de l’ensemble. C’est alors au tour de Pré public de faire son entrée dans ce jeu de recyclage vertueux : le compositeur en propose une version concertante, invitant le pianiste à jouer la partition originale – non transposée cette fois – qui est considérablement enrichie par la présence de l’ensemble. Arrive alors le troisième mouvement de Masques et Berg dont il propose une version orchestrale et qui viendra conclure Prato Prima Presente. Afin de souligner la richesse de ce rhizome, il est important de mentionner que cet ultime mouvement de Masques et Berg est lui-même une récriture de Im Winter tiré du cycle Aster Lieder pour soprano et trio à cordes et que Gervasoni s’en était déjà servi par ailleurs pour composer un des interludes de son second quatuor à cordes.
Bien que Prato Prima Presente ait été totalement érigé sur des œuvres antérieures du compositeur – les trois mouvements de Masques et Berg, les trois premiers préludes du cycle pour piano Prés et un mouvement de son second quatuor à cordes –, l’auditeur ne ressentira à aucun moment une quelconque sensation de collage sonore. Ces pièces viennent cohabiter par tuilage, superposition et juxtaposition pour donner naissance à une œuvre singulière. Prato Prima Presente se réfère aussi par son titre à Pier Paolo Pasolini et au film Uccellacci e uccellini (1966), dans lequel les deux acteurs principaux – Totò et Ninetto Davoli – se promènent dans la campagne de Rome avant que celle-ci ne soit bétonnée. L’emploi du Waldteufel dans la pièce de Gervasoni dénonce l’urbanisme sauvage en évoquant en filigrane la présence cachée de l’Homme maléfique qui finira par saccager les prairies d’antan.
Nous ne nous aventurerons pas à décrire de manière aussi détaillée les réseaux souterrains sur lesquels reposent Gramigna et Nube Obediente, tant ils s’avèrent complexes. Gramigna se réfère par son titre au chiendent dont les racines longues et traçantes s’avèrent nuisibles aux cultures. Le cycle a été composé sur plusieurs années, subissant maintes modifications affectant notamment l’ordre des pièces. Les premiers mouvements ont été écrits en 2009, soit la même année que Masques et Berg et Prato Prima Presente. Dans ce cycle, Gervasoni repart de déchets compositionnels qu’il mêle à parties d’œuvres achevées. Au lieu d’arracher les mauvaises herbes, il cherche à les intégrer aux cultures. Si construire à partir de déchets, d’erreurs est une démarche courante dans le milieu de l’improvisation, elle l’est moins dans le domaine de l’écriture. C’est dans Epicadenza que se situent ainsi les germes de Gramigna. Le cymbaliste Luigi Gaggero souhaitait que le compositeur lui écrive une œuvre pour cymbalum seul. Repartant de ses notes, des techniques de jeu relatifs à cet instrument, Gervasoni pose finalement les bases d’un nouveau cycle pour cymbalum solo accompagné par un petit ensemble qui sera similaire à celui de Prato Prima Presente, le compositeur ayant en tête l’idée d’exploiter certaines parties de cette œuvre. Les différents mouvements de Gramigna sont traversés de références en tous sens, allant d’un simple intervalle ou mode de jeu à des gestes mélodiques, voire des sections entières d’autres œuvres. Le geste pianistique du premier mouvement s’inspire d’un cliché (des arpèges à partir de quatre cordes) sur lequel il avait travaillé dans son second quatuor à cordes. Le deuxième mouvement explore l’idée de chute tout en développant le court motif de caisse claire du premier mouvement. Le troisième mouvement est une relecture d’un passage de Prato Prima Presente dont la structure est altérée grâce à l’insertion de « fenêtres sonores ». Le quatrième mouvement reprend à l’identique le premier que le compositeur prolonge en développant notamment le motif de notes répétées staccato. Le cinquième mouvement s’inspire juste d’un mode de jeu que le compositeur avait exploré au cymbalum dans Epicadenza et consistant à exciter différemment les trois cordes associées à une note de l’instrument. Dans le sixième mouvement, Gervasoni repart de Pas perdu (2014) pour cymbalum solo et en propose une version concertante. Dans le septième mouvement, il convoque son seizième prélude pour piano intitulé Pré d’avant ainsi qu’un bref extrait du troisième mouvement de Gramigna. Le huitième mouvement est un arrangement d’une partie d’Album di figurine doppie (2014) pour accordéon et électronique (ad libitum) dans lequel le compositeur imagine une course poursuite entre deux fragments d’une même gamme. L’ultime mouvement ne recourt en revanche à aucune pratique de ce type comme si le compositeur voulait clôturer son cycle en tournant définitivement la page du recyclage vertueux qui l’occupa pendant plusieurs années.
À l’origine, Nube obbediente est une pièce théâtrale à caractère pédagogique conçue par Gervasoni pour sensibiliser le jeune public aux problèmes liés aux changements climatiques. Le tromboniste et le percussionniste alternaient parties improvisées et parties composées. Le compositeur réalise par la suite une version entièrement écrite de ce duo puis une version concertante, celle qui est présentée sur cet enregistrement. Après une longue introduction dans laquelle les deux solistes se fondent dans l’ensemble, la partition originale pour deux instruments est alors reprise à l’identique dans son intégralité. Mais une fois de plus, le compositeur va semer d’autres graines dans ce terrain de jeu. Il revient à nouveau à son cycle pour piano en intégrant les préludes IV, V et VI – Prémisse, Précipice et Prémices – qui apparaissent par bribes tout au long de Nube obbediente, parfois dans leur version originale jouée au piano alors que les autres instruments jouent tout autre chose, parfois dans une version concertante jouée au piano et accompagnée par l’ensemble, parfois sous forme d’arrangement orchestral. Les préludes viennent ainsi interrompre à deux reprises l’arrangement du duo originel pour trombone et percussion mais Gervasoni exacerbe cette cohabitation en superposant les partitions. Les instrumentistes forment alors des clans qui entrent dans une sorte de compétition. Par exemple, les solistes et une partie de l’ensemble sont amenés à revisiter le duo original alors que l’autre partie de l’ensemble poursuit son interprétation de Précipice. Ou bien, la partie de trombone du duo originel est mise en concurrence avec Prémices présenté dans une forme orchestrale auquel vient se superposer aussi Prémisse dans sa version originelle pour piano. Après avoir revisité et complexifié l’intégralité du duo Nube Obbediente, Gervasoni conclut sa version hybride et concertante de l’œuvre en arrangeant la fin du Prémices.
Prés forme finalement le terreau commun aux trois œuvres de ce disque, puisque chacune d’elle explore, à un moment ou un autre, un des préludes de ce cycle pour piano. Allusion, citation, transcription, coloration, mutation, orchestration, arrangement… le compositeur met en œuvre tout un éventail de pratiques compositionnelles afin de jouer sur les degrés d’interconnections entre les différents matériaux. L’adjonction de fenêtres sonores et de déchets recyclés concourt à la métamorphose totale de l’existant mais le sentiment de déjà vu, ou plutôt de déjà entendu, demeure dans l’inconscient de l’auditeur. Pour s’inscrire dans la lignée des préoccupations écologiques du compositeur, nous pourrions comparer le catalogue de ses œuvres à un écosystème où chaque opus serait une parcelle qu’il aurait soigneusement aménagée. Durant plusieurs années Gervasoni a déployé des méthodes de multiplication et prolifération des matériaux comparables aux techniques botaniques de marcottage, bouturage, germination ou greffe. Prato Prima Presente, Gramigna et Nube Obbediente illustrent à merveille son idée de recyclage vertueux. Tel un jardinier-botaniste, Gervasoni récupère les graines d’une parcelle pour les semer dans une autre, intègre ses plantations aux herbes naturelles… On peut contempler individuellement chaque parcelle et les apprécier pour leur singularité, mais on peut aussi les observer avec plus de recul, à l’échelle de l’écosystème, et prendre alors pleinement conscience de l’étendue et de la richesse du rhizome qui les (ré)unit. « Composer, c’est créer un environnement » ! Et pour que cet environnement soit fertile, il doit être manipulé avec le plus grand soin par un maître-compos(i)teur.
François-Xavier Féron, Le Pré Saint Gervais, 2020