A voix haute. Franchement, librement et sans remords : dire avec force tout en n’étant pas bavard. Visant la synthèse, l'essentiel, le cœur des choses, l'ellipse.
Dire en retenant les mots.
Dire le silence, sa puissance et le faire sans avoir recours à des moyens de silence. Le dire de manière paradoxalement contraire. Exprimer son mystère et sa justesse, sa dimension ineffable en la proclamant ouvertement. Retrouver le silence comme un abîme dans une vague sonore que l'on ne peut pas arrêter et qui se répand dans toute son exubérance.
Crier le silence. Creuser le silence dans le son qui nous entoure avec toute son éloquence. Un silence qui ne se produit pas par étouffement de la matière sonore, qui n'est pas absence de vibration. Mais espace creux et résonnant - clairière, désert, ligne d'horizon, sommet de montagne, grotte inaccessible, lieu d'ermitage, zone liminale atteinte dans la plus grande richesse et grandiloquence d'un événement sonore. Ce n'est pas cela qu'on écoute - son évidence, son apparence - mais son intériorité, son inexistence possible, son laconisme...
Après mon premier quatuor,
Strada non presa (2001), qui travaillait la microscopie du son et la multidirectionnalité d’une forme psycho-acoustiquement conçue permettant à l’auditeur d’organiser son propre chemin de découverte et d’appropriation de l’œuvre. Après mon deuxième quatuor,
Six lettres à l'obscurité (und zwei Nachrichten) (2006), visant une expressivité intimiste, sécrète et d’un lyrisme aux limites de l’hermétisme (donc inexpressif, intimement expressif). Voici un quatuor qui travaille le besoin de dire ouvertement et intensément tout en affirmant une dimension émotionnelle et sémantique qui est le contraire de la grandiloquence ou du « voyeurisme » : le mystère, le calme, la sérénité, la litote, qui sont atteints par des voies diamétralement opposées.
S.G. 30.6.14
Out loud. Frankly, freely, without remorse: saying everything boldly without chattering.
Confronting the synthesis, the essential, the heart of things, the ellipsis. Speaking while conserving the words. Speaking the silence, its power, and doing so without the use of silent means. Speaking in a paradoxically contrary way. Expressing its mystery and its justice, its ineffable dimension, proclaiming it openly. Rediscovering silence like an abyss in a wave of sound that is impossible to stop and that expands in all its exuberance. Shouting the silence. Unearthing the silence of the sound that surrounds us in all its eloquence. A silence that can’t be produced by suffocating the sound material, that isn’t absence of vibration, but rather a hollow and resonant space – clearing, desert, line of the horizon, peak of a mountain, inaccessible cavern, hermitage, a liminal zone reached in the greatest richness and magniloquence of a sound event. It’s not what we hear – its evidence, its semblance – but rather its interiority, its possible inexistence, its laconism.
In my first quartet,
Strada non presa, I worked on the microscopic dimension of sound and the multi-directionality of a form conceived in psycho-acoustic terms, allowing the listener to organize his own path of discovery and appropriation of the work. In the second quartet,
Six lettres à l’obscurité (und zwei Nachrichten), I dealt with the expressivity of an intimist, secret, of a lyricism at the limits of hermetism (and thus inexpressive or intimately expressive). Here, instead, is a quartet in which I work on the need to say everything openly and intensely, affirming an emotive and semantic dimension that is the opposite of magniloquence or “voyeurism”: the mystery, the calm, the serenity, the litotes, attained through diametrically opposing paths.
S.G. 30.6.14